Magali Milbergue

Magali Milbergue

Créatrice web, accompagnatrice, formatrice et inclusion advocate.

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Happy Codanniversary ! Point sur 4 ans dans la tech.

C’est mon codanniversaire !!! 🥳🥳🥳

Aujourd’hui je fête mes 4 ans dans la tech ! Le 6 mai 2019, j’entamais mon premier jour de reconversion pour devenir développeuse web. J’avais déjà écrit quelques lignes de code par-ci et par-là mais jamais très sérieusement et jamais dans l’optique de changer de carrière. C’est au 6 mai 2019 que je mets le curseur sur ce changement. Premier jour de formation (qui paradoxalement a commencé par une semaine de remise à niveau en anglais… que j’avais étudié à la fac !). 

Avec un peu de retard (j’étais encore clouée au lit à cause du covid il y a trois jours), j’ai envie de célébrer cette date en faisant un point sur ma reconversion. Ces quatre ans n’ont pas été de tout repos, et ont amené plein de choses, pas toujours ce que j’attendais. Il y a eu des hauts, quelques-uns très hauts, et des bas, souvent très bas, mais d’une manière générale ça reste une aventure que je ne regrette pas.

🎶 You're in the army now... ohohoh 🎶

L’hiver dernier pour le calendrier de l’avent du web de Paris Web, j’ai écrit un article sur le problème avec les bootcamps. Dedans, je fais un point sur les formations en accéléré comme celles que j’ai faite pour devenir développeuse web, et essaie de démêler le vrai du faux des critiques qu’on entend dessus, en y appliquant une vision à 360 degrés en tant qu’ancienne apprenante, devenue formatrice et aussi mentore d’apprenantes.

Je dois dire que moi mon bootcamp, j’ai pas grand chose à en redire. J’étais préparée psychologiquement à passer six mois très fatigants durant lesquels en gros ne pourrait exister que la formation et rien d’autre. Étant célibataire, sans enfant, et hébergée à ce moment-là par mes parents, j’étais dans des conditions parfaites pour pouvoir me consacrer complètement à cette formation, je n’avais aucune autre obligation. De plus, j’ai visé une formation qui se faisait sur le printemps/été, parce que je savais que c’était le moment où j’avais le plus d’énergie. Et j’avais trouvé une formation pas trop loin de chez moi, deux heures de transport par jour uniquement (oui, dans mon coin, c’est pas beaucoup). 

J’ai toujours adoré apprendre et je me suis majoritairement ennuyée dans toutes les études que j’ai faites parce que ça n’allait pas assez vite pour moi… Donc une formation en accéléré était finalement plutôt adapté à mon rythme (aujourd’hui, avec le covid long, je serais incapable de tenir ce genre de rythmes mais à l’époque, c’était parfait pour moi).

J’ai eu de la chance, je suis tombée sur un groupe d’apprenant·es plutôt sympas. On était 18, dont 5 femmes, ce qui est pas mal quand on connaît les statistiques côté dev. Et les gens étaient tous plutôt motivés à apprendre, sans trop de compétition mal placée et avec pas mal d’échanges et d’émulation. Pour avoir été formatrice sur beaucoup de groupes depuis, j’ai pu observer à quel point ça change l’expérience des apprenantes en particulier la question de l’ambiance dans la classe.

Niveau formateurs (aucune femme), on n’a pas trop eu à se plaindre, on a même eu quelques formateurs vraiment pédagogues (ce qui n’est pas gagné dans ce genre de formations). C’est sûrement d’ailleurs grâce à la qualité des deux formateurs PHP et Symfony que je me suis particulièrement intéressée à ces technologies à la sortie de la formation.

Globalement ce bootcamp c’est certainement mon meilleur souvenir de formation. (J’avais adoré le contenu de ma formation d’éducatrice spécialisée, et j’y avais croisé des formateurs, formatrices et intervenant·es passionnant·es mais les conditions étaient atroces, j’avais 4 à 5 heures de transport en plus par jour, y avait des semaines moins pertinentes et certains trucs hyper problématiques dans ce qu’on nous enseignait).

Un début triomphant...

L’année 2019 finit sur les chapeaux de roue, j’en ai le tournis.

Une fois la formation terminée, j’enchaîne sur un stage (trouvé durant ma dernière semaine de formation) qui mène à une proposition de CDI. Je passe ma soutenance de titre professionnel (équivalent bac+2) et je la décroche haut la main (le jury me dit que c’est bon avant même de me poser des questions techniques). J’enchaîne directement avec ma première convention tech, où grâce à un dispositif diversité et inclusion je suis invitée pour être membre du public : trajet et hôtels payés. Et tout ça avec en plus un déménagement totalement imprévu parce que je ne pensais pas pouvoir chercher d’appartement avant plusieurs mois, mais une opportunité est sortie complètement de nulle part. Globalement, j’ai deux mois octobre à novembre 2019 qui sont complètement chaotiques et ultra positifs. Je finis 2019 complètement boostée par tous ces changements et me promets à moi-même que 2020 sera l’année de tous les succès !

 

... droit dans le mur.

Et le covid arrive.

Très vite, je comprends que ça sent le roussi. J’ai très vite commencé à suivre la question de cette pandémie qui semblait arriver parce que j’étais concernée : je me savais à grand risque. Et bien avant que la plupart des gens qui suivaient ça de loin, j’ai compris que 1) ça allait arriver très vite et 2) il faudrait des années pour en sortir. Je suis passée pour une pessimiste à l’époque… J’aurais préféré.

Quoi qu’il en soit, le covid est une grosse claque dans la tête de mon « année 2020 de tous les succès ! ». Une de mes collègues attrape le covid juste avant le premier confinement. Elle n’a jamais réussi à se faire diagnostiquer (elle se faisait envoyer de centre en centre) mais j’argumente à mes patrons que vu comme je suis à risque je vais rentrer chez moi et faire une quatorzaine, au moins le temps que ma collègue soit diagnostiquée. La quatorzaine se transforme une semaine plus tard en premier confinement et mon entreprise, une agence web à peine lancée au moment de mon recrutement, ne tient pas le coup. On est mis au chômage technique assez vite, avec très peu d’information. Les vacances forcées ne m’arrangent pas, je sentais déjà que cette expérience pro sentait le roussi, là je commence à me dire qu’il va falloir réfléchir à la suite.

Après le premier confinement, on retourne au travail… Au début mon entreprise nous donne le choix : chacun·e décide de s’iel veut être en présentiel ou distanciel. Afin d’éviter les transports en commun et l’open space mal aéré, je reste chez moi. A un moment, mes patrons décident qu’ils en ont marre (aucune idée de pourquoi vu que tout fonctionnait très bien comme ça) et comme je suis la seule à être en distanciel, ils me mettent la pression et réclament un certificat du médecin. Ma généraliste m’en fait un, et je comprends que c’est fini pour moi dans cette boite.

S’en suivent des mois de mise au placard, de collègues qui ne communiquent pas avec moi, de patrons qui me donnent les missions à la dernière minute (alors qu’ils les avaient depuis longtemps), à devoir aller à la pêche aux infos constamment… Et aux collègues qui ne comprennent pas pourquoi je réponds « je suis confinée » quand ils me demandent ce que je fais le weekend prochain ou où je pars en vacances cet été. Malgré la difficulté d’être confinée pendant des mois et l’angoisse d’attraper une maladie qui pourrait me tuer, le plus dur pour mon moral à ce niveau là c’est bien le boulot.

Fin décembre, j’attrape le covid. Je me retrouve en arrêt. Et là les relations sont définitivement fichues avec mon entreprise, j’imagine qu’ils ont pensé que c’était un arrêt pour les emmerder… Quoi qu’il en soit, je me retrouve arrêtée deux mois pour covid. Et quand je me pense prête physiquement à reprendre le boulot, et que je dis à ma généraliste que je vais assez mieux pour travailler, je m’effondre. Je suis incapable de retourner dans cette boite vue ce qu’ils m’ont fait subir pendant un an, mais particulièrement parce que les rares échanges pendant mon arrêt me font dire que ce sera encore pire cette fois. En plus, le gouvernement décide d’enlever une partie des choses qui peuvent aider les personnes fragiles à éviter le covid, dont la possibilité d’exiger le télétravail. Globalement, si j’y retourne c’est en présentiel, et ça c’est hors de question.

Ma généraliste m’arrête pour burn out et je cherche fébrilement comment me sortir de cette situation…

Reculer pour mieux sauter.

Je me rends vite compte que ça ne va pas être simple. Sur le papier, j’ai quasiment un an et demi d’expérience après mon bootcamp. En réalité, le poste qu’on m’avait promis n’a jamais été celui que j’ai eu et j’ai principalement fait du CMS (Duda, Wix, WordPress…) plutôt que du code. Je réalise que je n’ai pas fait un projet en code pur depuis mon stage. Je ne me sens pas du tout à jour, j’ai l’impression d’avoir tout oublié.

Je reprends mes cours, je retouche à des projets commencés, histoire d’au moins retrouver le niveau que j’avais à la sortie du stage, mais je me rends bien compte que trouver un emploi en tant que junior grande débutante alors que j’ai un an d’expérience ça va être très compliqué à naviguer.

Sorti de nulle part, un ancien formateur me contacte pour me demander si ça me dirait de faire de la formation. Il avait repéré mon profil durant la formation et pense que je serais une bonne recrue. Je lui explique que je n’a pas du tout le niveau qu’on pourrait attendre de moi après un an et demi en entreprise, il me propose de me mettre sur les formations grands débutants pour commencer.

J’avais toujours eu l’objectif de me mettre à mon compte, mais l’idée c’était de le faire une fois que j’aurais de l’expérience, des compétences et un réseau… Et je n’ai rien de tout ça. Mais je me dis que la formation n’est pas une mauvaise idée. Après tout, la pédagogie c’est ma spécialité. Et j’avais toujours pensé que j’en ferai en plus de mon activité de créatrice de sites web. Je me dis que je peux prendre les choses à l’envers : faire de la formation et prendre le temps à côté de retrouver des compétences, refaire de l’expérience et me faire un réseau pour tout ce qui est dev.

Same old energy

Je trouve vite mes marques en formation. Ça se passe bien, et les six premiers mois il y a énormément de missions en distanciel puisque le covid complique encore beaucoup les choses (ça va se détériorer rapidement malheureusement).

J’ai pas trop le temps de coder à côté les premiers mois parce que je dois préparer mes cours, les améliorer, développer mes compétences pour la formation… mais je me dis que je ferai ça plus tard. A côté, j’ai deux trois client·es par mon réseau à qui je fais des petits sites vitrines sur wordpress.

Et je booste mon réseau de ouf. Je passe beaucoup de temps sur twitter, je vais aux conférences de l’AFUP… Je rencontre des personnes super intéressantes et je rentre vraiment dans la tech.

Dans ma première entreprise, on était une petite agence en création, personne ne venait de la tech dedans, on était complètement coupé·es de l’industrie. Là, je découvre l’industrie tech, ses bons côtés comme ses mauvais…

Après une dizaine d’années dans le social, une des raisons qui m’ont fait aller dans la tech était l’idée que j’avais besoin d’un métier qui me demandait moins d’implication au niveau psychologique. J’ai adoré être une travailleuse sociale mais le poids que ça faisait peser sur ma santé mentale commençait à trop peser. Du coup quand j’ai choisi de faire ma reconversion j’ai décidé que ce serait une bonne idée d’avoir un métier où je pouvais m’éclater sur le technique/la créativité, et garder la recherche de sens que j’avais avec le social pour ce qui se trouvait en dehors du travail, rejoindre une association par exemple sur mon temps libre.

Et au début j’ai réussi. L’année où je suis devenue freelance, j’ai aussi rejoins plusieurs associations, ont une pour être mentore pour des femmes qui font des formations pour rejoindre la tech. Sauf que petit à petit, ça n’a pas suffit. Et c’est comme ça que je me suis mise à faire des conférences.

Au début j’ai été super raisonnable. J’ai juste proposé un retour d’expérience sur ma reconversion en 2021 pour les deux ans de ma reconversion pour l’AFUP Day. Je ne pensais pas du tout être sélectionnée, mais je l’ai été… Et bien sûr ce qui devait être un retour d’expérience m’a quand même permis de commencer à aborder des sujets sur l’inclusion et la diversité dans la tech, un peu timidement.

Et j’ai été très sage, j’ai fait ma petite conférence en ligne et j’ai laissé ça de côté, satisfaite. Sauf que plus j’étais dans la communauté tech, plus je voyais les problèmes et plus j’avais envie de pousser au changement. Et donc en 2022, j’ai saisi les opportunités qu’on m’a données de faire entendre ma voix. Et ça m’a tellement plu, que depuis 2023 c’est devenu une de mes activités principales… Drôle de hobby (rappelons que c’est bénévole, au mieux je suis défrayée de mon hôtel et de mon trajet pour la conférence), mais j’y ai trouvé un sens et un impact que je n’ai pas réussi à avoir depuis que je suis dans la tech autrement.

Le covid m'a tuer

Alors non, je ne suis pas morte du covid. Par contre, j’ai eu un covid long qui a très vite dégénéré. La première année, je pensais être fatiguée parce que je récupérais du covid, et ensuite parce que je bossais énormément à préparer mes cours en plus de les donner… Mais arrivée à l’automne 2021, j’ai fini par devoir admettre que clairement j’avais un covid long et que ça n’allait pas en s’améliorant.

Il a donc fallu tout revoir. Les centres de formation voulaient revenir en présentiel et à la base j’avais accepté d’alterner présentiel et distanciel. Sauf que la première mission en présentiel m’a permis de comprendre que c’était tout à fait impossible pour moi.

Le covid est une maladie neurologique. Oui, il y a des effets respiratoires qui peuvent être graves, mais le covid long qui suit est complètement orienté neurologique. En l’occurrence, les symptômes les plus importants que j’ai sont : la fatigue chronique, le brouillard cognitif et les douleurs. Un sacré mix… Qui n’aide pas vraiment à travailler.

J’ai dû drastiquement réduire mon temps de travail, m’obliger à me reposer plus. Et je suis beaucoup moins efficace quand je travaille quand j’ai des « crises ». Il y a des jours où j’hésite si on me demande comment épeler mon nom de famille, imaginez ce que ça donne quand j’essaie de me former sur du code.

J’ai donc dû réduire mes attentes au niveau du boulot. Impossible de chercher un CDI dans une boite en tant que développeuse, parce que je n’ai jamais trouvé de boite assez souple sur la question du temps de travail pour pouvoir m’organiser comme je le souhaite. J’ai donc été forcée à rester freelance…

Et mon covid long ne s’améliore pas. Et comme je sors tout juste d’un deuxième covid, de nouveau il est tout à fait possible que j’ai à tout repenser.

Bon. Je me rends compte que l’expérience semble hyper négative quand je relis les faits listés chronologiquement… Alors, un peu de positif.

J’aime ce que je fais. J’aime créer des sites. J’aime conseiller des clientes et des clients. J’aimerais avoir un peu plus de client·es mais à chaque fois que j’en ai c’est un vrai plaisir.

J’ai rencontré des gens géniaux dans la tech, je me suis fait de vrai·es ami·es et ma vie a été enrichie de toutes ces relations. J’apprends aussi beaucoup quotidiennement, et pas que à propos de la tech. La tech est une industrie dans laquelle, si on se débrouille bien, on peut se trouver une communauté d’échange qui nous permettra de grandir. J’ai eu la chance de trouver ça.

C’est clairement pas de la faute de la tech si le covid est passé par là. Si je prends un peu de hauteur, mon expérience est beaucoup liée au covid long, et c’est malheureusement l’expérience de pleins de personnes handicapées : trouver sa place dans le monde du travail quand on sort du moule c’est très compliqué. Oui la tech est un milieu très fermé et on pourrait faire beaucoup mieux en terme d’inclusion des personnes handicapées (en particulier mais pas que) mais une grosse partie de la complexité de ma reconversion tient à une pandémie mondiale qui a complètement déraillé la vie de millions de personnes. Et j’ai de la chance, j’ai encore une vie à dérailler.

Très honnêtement je ne sais pas ce que j’aurai à écrire dans un an pour mon codanniversaire. Je ne regrette pas d’avoir fait cette reconversion, c’est loin d’être un chemin simple mais c’est pas ennuyeux (ah !).

Pour avoir parlé avec plein de gens qui ont fait des reconversions (particulièrement des personnes dont le profil sort du profil typique de la tech), je sais que mon expérience n’est pas si surprenante ou originale. Une reconversion c’est souvent mitigé. Certain·es s’insèrent parfaitement en quelques mois, mais pour beaucoup c’est plus long et plus fastidieux de trouver sa place.

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