De Paris Web à Paris Web - ma première année de confériencière.
Au moment où cet article sera publié, je serai en route pour rejoindre l’édition 2023 de Paris Web et clôturerai ainsi ma première année en tant que conférencière, finissant une boucle de Paris Web à Paris Web.
Il y a un aspect très satisfaisant de pouvoir faire cette boucle. J’étais d’autant plus ravie quand l’équipe de Paris Web a sélectionné ce que je lui avais proposé parce que j’aime l’aspect symétrique que cela donne à ma première année sur le circuit des conventions tech. Et si vous lisez un peu mon blog, ou que vous me connaissez un peu, vous savez que j’aime saisir toute occasion pour prendre un peu de recul et faire un bilan. Ici, l’occasion est trop jolie pour passer à côté.
L'appel de la forêt convention
Je dis souvent que Paris Web 2022 était ma première conférence mais c’est un raccourci, c’était en fait ma première conférence en présentiel. En 2021 je m’étais déjà essayée à l’exercice pour l’AFUP Day Rennes où j’avais présenté Du social à la tech – retour sur deux ans de reconversion, une sorte de première version de la conférence que j’ai donnée à Paris Web en octobre dernier. (si vous voulez, vous pouvez aller voir la vidéo, et vous me direz ce que vous en pensez, je n’ai pas eu le courage de la revoir).
L’exercice avait été chouette et j’avais passé un super moment (il faut dire que l’AFUP sait bien traiter ses conférencières et conférenciers !) mais j’avais été frustrée par le manque d’interaction. Le covid nous avais forcé·es à faire les conférences de chez nous et du coup j’avais un peu eu l’impression de faire ça dans le vide. J’en étais ressortie avec un souvenir agréable mais l’idée que c’était plutôt ce genre de choses qu’on teste une fois dans sa vie sans jamais chercher plus loin…
Et pourtant un an plus tard je me suis retrouvée sur la grande scène de Paris Web à faire une version 2.0 de ma conférence. Ai-je si peu de suite dans les idées ?
En fait, je me suis retrouvée là complètement par hasard. Enfin, pas tout à fait, mais quand j’ai postulé au CFP de Paris Web en 2022, je ne pensais pas du tout être sélectionnée. Ça n’est pas de la fausse humilité, c’est juste que je n’ai tout bonnement pas postulé dans l’optique d’être prise. En fait, quand j’ai participé au CFP, je l’ai fait après un appel des bénévoles de Paris Web qui déploraient le fait qu’il n’y avait pas assez de femmes qui envoyaient des propositions et qui donc encourageaient les femmes à participer au CFP.
Un peu naïvement, je me suis dit que j’allais faire une proposition, puis encourager d’autres femmes à le faire, pour lancer une sorte de cercle vertueux. Je l’ai vraiment fait en pensant que je ne serai pas prise mais que je pourrais « aider » Paris Web à avoir plus de femmes candidates. Pourquoi je ne pensais pas être prise ? Parce que je ne pensais honnêtement pas que mon sujet, un plaidoyer en faveur des profils atypiques dans la tech, intéresserait une conférence nationale comme Paris Web. Je pensais que, venant en plus d’une personne sans expérience en conférence, c’était le genre de sujets qui pouvait être pris dans des plus petits évènements mais pas dans une convention du type de Paris Web.
Quand j’ai reçu le mail me disant que j’étais prise, j’avais en fait complètement oublié que j’avais postulé. Pour moi ça n’était pas un enjeu, je n’avais absolument rien préparé et je be savais même pas si j’étais dispo sur la date. Bref, ça a été une très grosse surprise et d’un coup je me suis retrouvée à devoir décider de si j’assumais ma « bêtise » ou pas. J’ai toujours aimé les défis et la nouveauté donc ça ne m’a pas pris longtemps pour envoyer un mail de confirmation…. Mais j’ai beaucoup douté de ma décision dans les semaines qui ont suivi.
Piquée
Si vous avez envie de tenter l’aventure des conférences, je recommande chaudement de postuler à Paris Web. Pour une première expérience de conférence irl, toute l’équipe a mis la barre très haute. Une des plus grandes qualités de cette orga est sa force de communication. A chaque étape, tout est expliqué, les réponses aux questions sont claires et on peut tout simplement se laisser porter jusqu’au jour J. C’est quelque chose qu’on ne retrouve pas pour toutes les conventions, et le niveau de stress n’a rien à voir quand on a reçu deux pauvres mails en six mois et qu’on reçoit quelques infos vaguement la veille comparé à quand les choses sont faites au fur et à mesure et de façon transparente.
Ensuite, j’ai eu l’impression d’être chouchoutée du début à la fin : le repas des speakers était un des meilleurs que j’ai faits cette année (avec de vraies options végétariennes, alors qu’il arrive souvent qu’on ressorte de ce genre de dîners en ayant faim quand on a un régime différent), l’hôtel était super cool et confortable, le lieu très chouette (tout ça change cette année, hâte de voir ce qu’iels nous ont concocté !)… Les bénévoles étaient hyper attentives et attentifs durant la convention et je ne me suis jamais sentie isolée. Et cerise sur le gâteau : il y avait une photographe très talentueuse, Julie Cherki, qui a pris des supers photos, dont quelques-unes qui sont rentrées dans mon top des photos que je préfère de moi.
Et une fois qu’on a déjà tout ça, il y a en plus le public de l’évènement qui est vraiment super chouette. On sent que les gens sont là pour discuter de sujets divers et pour l’échange. Aller faire une conférence de social tech à une convention très orientée technique c’est sympa mais il arrive que le public ne soit pas hyper friand de ce genre de sujets et que même si la conférence est bien reçue, on ressorte en se demandant un peu l’impact qu’on a eu. A Paris Web, j’ai passé deux heures à discuter dans le couloir avec des gens après ma conférence et tout le reste de la journée j’ai eu des discussions hyper intéressantes. On sentait qu’il y avait une vraie envie de continuer à creuser le sujet et c’était vraiment super. En tant que conférencière, c’était une expérience grisante : j’avais l’impression d’avoir vraiment eu un impact.
Je pense que c’est ce qui a été déterminant dans le fait que cette première expérience m’ait complètement convertie au fait de faire des conférences. Quand ça se passe aussi bien, que les échanges sont aussi fertiles, on ne peut que voir les bénéfices de faire ce genre de choses. Voir toutes ces réactions positives m’a complètement convaincue qu’il y avait une attente sur ces sujets et qu’il était largement temps de s’en emparer. Et vu le fun que j’avais eu à cette convention, autant que ça soit moi qui m’en empare, non ?
Tout schuss
(n’ayant pas fait de ski depuis ma classe de neige de CM1 où j’ai eu un flocon alors que tous les autres avaient des étoiles, j’ai dû vérifier comment s’écrivait cette expression… Il est possible que vous soyez ici témoins de la seule référence au sport que je ferai sur ce blog, prenez quelques secondes pour vous rendre compte de la gravité du moment.)
Je suis ressortie de cette première expérience complètement boostée. Pour moi il était évident que j’allais essayer d’en faire d’autres.
Globalement il était plus ou moins trop tard pour postuler pour la fin de 2022, donc je me suis mise à chercher les évènements pour 2024. Comme toujourssouvent j’y suis allée légèrement à fond : j’ai écrit plusieurs abstracts, stratégisé et tenu une base de donnée pour me souvenir de ce que j’avais proposé où.
Mais surtout, j’ai postulé PARTOUT. Absolument partout. Toutes les conventions que je pouvais trouver, j’y postulais. Je me suis mis en tête que mon défi pour l’année 2023 serait de faire une conférence en anglais, du coup j’ai postulé dans toutes les conventions européennes accessibles raisonnablement en train (je ne prends pas l’avion). J’étais dans une sorte de frénésie de candidatures et je n’ose pas aller voir ma base de données pour sortir un chiffre parce que vraiment je pense que je vais perdre toute crédibilité. Disons que quand je fais les choses, je ne les fais pas à moitié.
Mais surtout, j’ai fait tout ça persuadée que je serai prise à genre peut-être une ou deux conventions. J’étais persuadée qu’avec mon peu d’expérience et le fait que je ne présentais pas de sujets techniques, et le fait que j’étais une parfaite inconnue sans réseau dans le circuit des conventions, j’allais vraiment galérer à être sélectionnée. Il faut dire que je suis bénévole pour l’AFUP, je connais les stats, je sais qu’il y a des centaines de candidatures pour une poignée de sélectionné·es. J’étais persuadée qu’avec mon profil et les sujets que je proposais, mon ratio serait de l’ordre de 1% de réussite et que Paris Web avait juste été la chance de la débutante…
Quand les réponses ont commencé à arriver j’ai eu une sorte de légère panique. La première conférence internationale à laquelle j’avais postulé, NDC London a accepté ma proposition. Et petit à petit j’ai eu tout une vague de réponses positives, au point que le début de l’année 2024 commençait à être hyper focus sur les conférences.
J’ai un peu paniqué et je me suis demandé si c’était vraiment raisonnable… Et puis, j’ai réalisé que j’avais vraiment envie de tester cette nouvelle activité. Donc j’ai décidé d’y aller à fond. C’est même devenu un de mes thèmes pour l’année 2023 : à fond sur les confs.
Le bilan
Je n’ai aucune idée de pourquoi ça a aussi bien fonctionné. Encore une fois, ça n’est pas de l’humilité. Je pense que je fais des conférences de qualité, je travaille beaucoup dessus et je suis fière de ce que je produits. Je ne le ferais pas si je ne pensais pas être au niveau, l’humiliation publique visible ad vitam aeternam sur youtube n’est pas quelque chose que je trouve particulièrement agréable.
Je suis ravie que ça ait aussi bien marché. Et je me dis que je n’avais pas tort quand j’ai pensé après la première qu’il y avait un vrai besoin, une vraie demande d’aborder ces sujets et que je pouvais être l’une des personnes pour ça. Mais jamais j’aurais imaginé que ma première année en tant que conférencière puisse se passer aussi bien.
J’ai cumulé tellement de nouvelles expériences extraordinaires en un an, rencontré tellement de gens incroyables, que j’en ai le tournis quand j’y pense. Conférences en français, en anglais, keynotes d’ouverture, tables rondes et bientôt atelier pour cette édition 2023 de Paris Web, j’ai eu une variété d’interventions complètement incroyables. J’ai eu des publics très divers : des plus techniques qui se demandaient sûrement un peu de quoi j’allais leur parler à ceux qui viennent expressément pour des confs de social tech de qualité (la pression !). J’ai discuté avec des gens venant du monde entier, et mes conférences ont toujours été super bien accueillies.
J’ai appris à vivre à les conférences en tant que conférencière. A parfois économiser mon énergie et accepter que je ne pouvais pas tout voir. J’ai appris à discuter avec les inconnus dans cette bulle étrange d’évènement où d’un coup on oublie toute timidité. J’ai pris les feedbacks, et appliqué leurs conseils lorsqu’ils me semblaient pertinent (promis, je ne m’excuserai plus pour mon accent pendant mes confs en anglais !). J’ai aussi découvert que je pouvais me voir en vidéo sans avoir envie de jeter mon écran par la fenêtre, et je me suis forcée à me traiter avec plus de douceur et de gentillesse que je ne l’avais jamais fait dans pareille situation.
Je me suis amusée à créer tout un code autour de mes confs : les visuels, mes tenues… Que personne ne remarque je pense, mais qui moi me donne une sorte de « routine », d’uniforme, de tenue/posture de scène qui m’aident à me détacher des conséquences possiblement négative. (oui la peur du harcèlement en ligne est toujours présente et j’ai eu quelques interactions vraiment pas agréables mais je m’y prépare à chaque fois). J’ai aussi appris à lâcher prise et accepter qu’il y a des photos et des vidéos de moi qui traînent sur internet… (en tant que femme grosse, c’est tendre une perche au harcèlement et aux insultes grossophobes et sexistes que je ne voulais pas tendre jusque là).
J’ai navigué l’équilibre un peu précaire de parler de moi dans certaines de mes confs, de mon expérience pour humaniser le sujet, sans pour autant entrer dans le voyeurisme ou dans la starification, deux dérives que je veux éviter à tout prix.
J’ai l’impression d’avoir eu un impact. On m’a fait des retours sur l’utilisation de mes confs, de ce que j’y dis, pour changer des choses en entreprise, pour repenser des choses, et ça c’est sûrement ce qui fait que tout ce temps utilisé vaut vraiment le coup. Pouvoir impulser un changement, même un détail, même juste un début de mouvement, c’est tout ce que j’espère faire avec ces conférences.
Stratégisons
Bon. J’ai adoré cette année de conférences mais clairement je vais avoir besoin d’affiner un peu ma méthode pour l’année qui vient. En octobre, j’ai quasiment une conférence toutes les semaines (en fait j’ai une conférence toutes les semaines puisque la semaine où je ne donne pas de conférence, je suis bénévole pour le Forum PHP). Des fois j’ai l’impression que j’oublie que je suis handicapée et que chaque conférence me fatigue au point de me demander plusieurs jours de repos ensuite. Et puis, je suis à mon compte, avec une petite activité en direct avec les clients, quand je vais en convention c’est un temps où j’ai peu d’énergie/de temps pour le boulot et durant lequel je ne suis pas payée….
Donc, forcément, il va falloir être un peu plus raisonnable. Cette année j’avais dit que mon slogan serait « Embrace the chaos ». Et on peut pas dire que j’ai pas été fidèle à mon slogan. Mais bon, le chaos c’est fertile uniquement si à un moment ça se calme et qu’on peut se poser un peu.
Ça veut pas dire que je vais arrêter de faire des confs. J’ai plein d’idées, plein de projets, et très envie de continuer. C’est clairement pas une activité que j’ai envie d’abandonner….
Mais je vais peut-être devoir me forcer à être un peu plus raisonnable sur comment et où je postule. J’ai commencé persuadée que je ne serais prise nulle part, mais je sais maintenant que j’ai la chance d’avoir plutôt un bon ratio de réussite. Donc autant perdre moins de temps en envoyant des candidatures partout et viser les évènements qui m’intéressent vraiment et qui peuvent fonctionner avec mon timing.
Et, je vous redirai en novembre mais je pense que je vais aussi devoir décider d’un maximum de conférences acceptables dans un même mois. Parce que là plus ça approche plus je me demande comment je vais survivre ! Six semaines de conférences d’affilée quasiment ! Qui fait ça ? Comment y survivre ?? (sur les rotules en buvant beaucoup de café…)
(Et je ne vous parle pas de Trufa et de comment elle va bouder à ne pas me voir de tout le mois ! Maltraitance de toutou !)
Le mot la fin
Je pensais faire un petit article rapide et j’ai fait un roman… Oups ! (l’histoire de ma vie)
Je sais que personne ne va me croire, ou vous allez penser que je suis une bisounours mais cette année j’ai rencontré plein de gens incroyables grâce aux conférences et pour moi ça a été vraiment un espace de liberté où les gens m’ont donné le droit de me faire ma place et je pense que tout le monde devrait avoir le droit d’être accueilli aussi bien dans un nouvel environnement. La tech n’est pas toujours une industrie très douce avec les personnes qui la constituent, particulièrement pas avec les personnes marginalisées. Je m’étais préparée à plein de choses quand j’ai décidé de me lancer dans les conférences, même au pire, et je peux dire que durant cette première année je n’ai jamais vu le pire et quasiment toujours vu que le meilleur. Je ne sais pas ce qui fait que j’ai eu autant de chance mais j’apprécie et je ne prends pas ça pour acquis.
C’est bizarre de se dire que cette année les conférences ça a été un peu ma bulle de self-care mais c’est vraiment l’impression que j’ai eue. Alors, pas physiquement, parce que mon corps en a bavé (merci le covid long) mais psychologiquement ça a été une vraie bulle de bonheur.
Bon. Je me rends compte que l’expérience semble hyper négative quand je relis les faits listés chronologiquement… Alors, un peu de positif.
J’aime ce que je fais. J’aime créer des sites. J’aime conseiller des clientes et des clients. J’aimerais avoir un peu plus de client·es mais à chaque fois que j’en ai c’est un vrai plaisir.
J’ai rencontré des gens géniaux dans la tech, je me suis fait de vrai·es ami·es et ma vie a été enrichie de toutes ces relations. J’apprends aussi beaucoup quotidiennement, et pas que à propos de la tech. La tech est une industrie dans laquelle, si on se débrouille bien, on peut se trouver une communauté d’échange qui nous permettra de grandir. J’ai eu la chance de trouver ça.
C’est clairement pas de la faute de la tech si le covid est passé par là. Si je prends un peu de hauteur, mon expérience est beaucoup liée au covid long, et c’est malheureusement l’expérience de pleins de personnes handicapées : trouver sa place dans le monde du travail quand on sort du moule c’est très compliqué. Oui la tech est un milieu très fermé et on pourrait faire beaucoup mieux en terme d’inclusion des personnes handicapées (en particulier mais pas que) mais une grosse partie de la complexité de ma reconversion tient à une pandémie mondiale qui a complètement déraillé la vie de millions de personnes. Et j’ai de la chance, j’ai encore une vie à dérailler.
Très honnêtement je ne sais pas ce que j’aurai à écrire dans un an pour mon codanniversaire. Je ne regrette pas d’avoir fait cette reconversion, c’est loin d’être un chemin simple mais c’est pas ennuyeux (ah !).
Pour avoir parlé avec plein de gens qui ont fait des reconversions (particulièrement des personnes dont le profil sort du profil typique de la tech), je sais que mon expérience n’est pas si surprenante ou originale. Une reconversion c’est souvent mitigé. Certain·es s’insèrent parfaitement en quelques mois, mais pour beaucoup c’est plus long et plus fastidieux de trouver sa place.